Réforme de la décentralisation: le Bénin peut s’inspirer du modèle de la Caisse des Dépôts de la France
L’Etat du Bénin a planté le décor pour une réforme structurelle de la gestion décentralisée. Le projet vise un renforcement des services fournis par les collectivités territoriales à la population. L’adoption de la réforme devrait engendrer des améliorations sur quatre principaux axes. Il s’agit notamment du réaménagement des organes, de la redistribution des pouvoirs, du renforcement de la reddition des comptes et du réaménagement des modalités d’exercice de la tutelle. Cette initiative de l’Etat est louable. Primo, elle permettra de désengorger le pouvoir central dans la gestion des affaires publiques, ce qui pourrait aussi améliorer l’efficacité de ce dernier. Deuxio, elle s’inscrit pleinement dans la perspective de la construction d’une nation forte et prospère. En effet, les réformes devront, à long terme, contribuer à la responsabilisation des autorités publiques locales, l’autonomisation et la mise en place de dispositif stable et durable pour définir et conduire la stratégie du développement socio-économique des collectivités territoriales (logement social, politique de ville, réseaux d’eau et d’assainissement, gestion des déchets ménagers, etc.).
Outre l’amélioration de la gouvernance et l’instauration d’une bonne dynamique dans la gestion des affaires publiques au niveau local, ce projet de réforme porte également un volet financier avec un Fonds d’investissement communal qui assurera le financement des investissements des communes. C’est à ce stade que le modèle de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC) de l’hexagone (Paris) peut être un bon compromis.
La Caisse des Dépôts (Paris) est un acteur clé avec un modèle unique et réussi du financement de l’économie française depuis 200 ans. A travers sa filiale, la Banque des Territoires (BDT), elle propose des solutions concrètes de conseil et de financement des projets des collectivités territoriales, organismes de logement social, professions juridiques et entreprises publiques locales avec des conditions préférentielles – prêts de très longue maturité à des taux d’intérêt bas voire nul. D’ailleurs, elle est le premier financeur du logement social et permet de loger un sixième (1/6) des Français. Pour réussir sa mission, elle mobilise l’épargne des Français (livret A, LDD, etc.) disponible auprès des banques commerciales. Elle contribue également à la rémunération d’une partie de cette épargne grâce à ses activités de placements.
Le Bénin qui s’est également doté d’une Caisse des Dépôts et des Consignations, peut placer cette institution financière au cœur de la stratégie du développement des collectivités territoriales du pays. Mais très rapidement se pose un problème des ressources disponibles. D’où proviendront les ressources financières nécessaires pour l’exécution de cette mission par la Caisse des Dépôts du Bénin ?
Sans surprise, le Fonds d’investissement communal sera financé par l’Etat central. Cependant, elle pourrait être insuffisante pour couvrir la totalité des besoins de financement et surtout la nature de cette ressource peut soulever d’autres interrogations sur un endettement public supplémentaire. Il est indispensable de penser à d’autres types de ressources complémentaires. Pour cela, je renvoie une autre question. Où se trouve l’épargne des ménages actuellement au Bénin ? Sans vouloir prétendre détenir toutes les réponses, je pense aux systèmes de « tontine », supports électroniques de la monnaie légale (comptes mobile money, etc.), institutions de micro finance et dans une moindre mesure les banques traditionnelles.
Le système des tontines est un moyen d’épargne très développé et répandu en Afrique. Le Bénin ne déroge pas à la tradition. Cet instrument est usité par la majorité de la population, y compris les acteurs de l’économie informelle. L’incitation à la formalisation de cette profession avec une domiciliation des avoirs directement dans les comptes de la Caisse des Dépôts du Bénin pourrait servir de canal pour recycler une partie de l’épargne domestique.
Quant aux supports électroniques de la monnaie légale, les acteurs de ces instruments sont devenus de réels collecteurs de l’épargne de la population. La proximité et les facilités au cœur de la stratégie des opérateurs de téléphonie mobile ont favorisé une adoption massive de ces instruments à des fins de transactions financières. Presque tout le monde au Bénin dispose d’un compte mobile money qu’il utilise soit pour régler une facture soit pour effectuer un virement (transfert). Cela suppose qu’a priori les ménages détiennent une partie de leur épargne sur ces comptes. De plus, des startups promeuvent des innovations pour renforcer et faciliter l’utilisation de ces instruments pour les marchands qui ne sont pas forcément lettrés.
Par exemple, la startup « Su Tchaa » – qui signifie « paye rapidement » en fon (langue parlée au sud du Bénin) développe une application qui permettra à n’importe qui de régler sa facture sur un compte mobile money grâce à un simple scan d’un code bar et sans une connexion internet.
Par ailleurs, les organismes de micro finance font aussi de la collecte de l’épargne des ménages. Par exemple, pour octroyer des crédits, certaines de ces institutions exigent la détention d’un compte d’épargne à leur client. La base clientèle est constituée d’une proportion de la population, la plus grande, qui n’a pas forcément accès au système bancaire traditionnel.
Enfin, l’épargne disponible auprès des banques commerciales. Traditionnellement, les banques collectent l’épargne des ménages. Au Bénin, on y retrouve une frange de la population ayant un niveau de vie souvent au-dessus de la moyenne. Ce qui implique une épargne importante et stable.
Une collaboration entre la Caisse des Dépôts (Bénin) et les différents acteurs précités permettrait de réorienter l’épargne domestique (ou au moins une partie importante) au profit du financement des projets d’investissement des collectivités territoriales. Aussi, la Caisse des Dépôts du Bénin pourrait bien évidemment envisager une activité de marché dans une région où les places financières (BRVM, etc.) sont en plein essor avec des rémunérations attractives.
Par Beringer GLOGLO, Économiste, Fondateur du Cercle des Jeunes Économistes pour l’Afrique
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