La vannerie, un savoir-faire fièrement conservé

La vannerie, un savoir-faire fièrement conservé

La vannerie était considérée, jadis, comme un service militaire obligatoire à Fandène, commune située dans la région de Thiès. Ici, c’était impensable qu’un natif de la localité n’apprenne pas cet art qui se transmet de génération en génération. Cette obligation a bien ses explications que les gardiens du temple ont bien voulu nous détailler.

Fandène n’est pas un trou perdu. C’est une localité située à quelque 6 à 7 kilomètres de Thiès. La route qui relie ce village devenu commune, à la capitale du rail est bien bitumée. Entre Thiès et Fandène, les vergers d’arbres fruitiers attirent l’attention. En ce moment de l’année (le mercredi 21 août), les premières pluies ont fait renaître un paysage verdoyant. En arrière-plan du décor, on aperçoit, dans les champs, des cultivateurs derrière les semoirs tirés par des chevaux.

Au fur et à mesure que l’on progresse, on découvre une forêt de rôneraies. Au bout d’une demi-heure, Fandène apparaît au milieu des grands palmiers. Le rônier fait partie de la culture des lieux. « Ici, les populations entretiennent une relation particulière avec les rôniers. C’est notre culture », accepte Jean Noël Tine. Par endroit, les rôneraies dispersées par ci et par là, confèrent un spécifique paysager à cette partie de la région de Thiès.

Une fois à la mairie, la municipalité nous oriente vers le chef de village. Ce qui prouve que ce dernier a gardé son statut. Ici, il y a aussi des gardiens du temple, des conservateurs qui se battent pour préserver, à tout prix, le legs culturel, à commencer par l’art du tissage des nattes, vases, paniers, chapeaux et autres objets relevant de la vannerie.

Jadis, ce métier était considéré, à juste raison, comme le pendant d’un service militaire dans cette localité. « C’était impensable que le natif de Fandène n’apprenne pas la vannerie. C’est grâce à ce métier que des familles ont payé la scolarité de beaucoup de nos fils devenus hauts cadres. Ces derniers, y compris l’actuel ministre Augustin Tine, savent faire de la vannerie », insiste l’adjoint au chef de village, Théophile Samba Tine qui revenait juste des champs.

Le rônier : arbre nourricier

Arbre présent dans les champs, autour des habitats et un peu partout, le rônier a une relation particulière avec les Fandénois. Il fait partie de leur culture, en plus de les côtoyer tous les jours. Théophile Samba Tine confirme que « Beaucoup de jeunes ont réussi grâce à l’exploitation des rôniers. Auparavant, les pères de famille tissaient des paniers et autres instruments pour avoir de l’argent et payer la scolarité de leurs enfants. L’activité permettait de faire vivre aussi certains ménages, de soigner les malades ».

Le jus de fruit du rônier est utilisé comme boisson. Les femmes l’exploitent et commercialisent le « seung » ou boisson alcoolisée dans les grandes villes comme Thiès. A l’époque aussi, toutes les palissades des maisons étaient faites avec les branches et feuilles des rôniers. Le savoir-faire des habitants de Fandène était même exporté vers les autres villages de la localité.

Jean-Noël Tine, agent à la mairie de Fandène, confie qu’avant, les habitants tissaient de jolies palissades grâce aux rôniers et les mamans faisaient le tour des villages wolofs pour vendre ces clôtures qui étaient trop prisées.

« Maintenant, avec la modernité, les clôtures sont faites en dur ; l’utilisation du rônier diminue progressivement. Mais il y a de cela 20 ans, il n’y avait que des cases et des palissades en rônier ici à Fandène », se remémore-t-il. Entre temps, avec la modernité, le visage du village a complétement changé. Dans les ruelles, rares sont les maisons clôturées de palissades en paille ou de branches de rônier. Plusieurs concessions sont isolées entre les murs en dur. Le village est aussi électrifié.

Un savoir-faire transmis de génération en génération

Pour le vieux Tine, la particularité des Sérères nones de la zone est qu’ils vivent principalement d’agriculture, de maraîchage, d’élevage et de la vannerie. Cette dernière activité est très importante dans la zone avec l’omniprésence des rôniers. Entre ces populations et les rôniers, la relation est particulière et date des temps ancestraux. Les feuilles, les branches, la sève et les ficelles de cet arbre sont utilisées grâce à un savoir-faire culturel soigneusement entretenu et légué de génération en génération pour fabriquer plusieurs outils : des nattes, des paniers, des palissades etc. Un tour dans plusieurs concessions du village nous a permis de découvrir l’importance de la vannerie chez les populations. Tous s’accordent à dire qu’après l’agriculture, la principale activité de la zone est la vannerie, grâce aux rôniers.

C’est le cas de Michel Note Diop et Charles Diop, tous chefs de famille à Fandène Ndiam Diorokhe. Ils entretiennent leur progéniture avec cette activité, compte tenu du chômage qui règne dans le village pendant neuf mois sur douze. A notre passage vers 14h, le premier nommé avait déjà pris sa pause et profitait du moment pour prendre du thé préparé par les jeunes sous l’ombre du grand arbre faisant office de Grand-Place dans ce quartier des Diop. Michel Note Diop, allongé sur sa natte, à côté des ficelles de rônier déjà préparées et attendant d’être tressées en panier, nous confie que la vannerie est devenue sa principale occupation après l’agriculture. Il ne se plaint pas et parvient à avoir des revenus corrects pour faire vivre décemment sa famille.

L’homme qui a vécu plus de 58 hivernages fait partie des conservateurs de l’histoire du village de Fandène. Svelte au teint noir, mais coriace à force de travailler dans les champs, Théophile Samba Tine précise que le nom Fandène vient de « Padé » en sérère qui veut dire partie ou partage. Cela signifie que chacun a sa partie. C’est pour cela même que le village de Fandène est divisé en plusieurs quartiers.

Le Soleil

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