Guinée – Mamadou Saliou Kaltamba, maire de Koumbia : l’Etat doit entièrement responsabiliser les communes si …
Dans cette entretien, le maire de la commune rurale de Koumbia, dans la préfecture de Gaoual, a évoqué la gestion de cette collectivité par son équipe. Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba a fait le point des actions réalisées par la mairie dans le cadre du développement des différents secteurs d’activité de la localité. Il a regretté dans le même temps, la « lourdeur administrative » dans le cadre du décaissement des fonds de l’ANAFIC, qui empêche la réalisation de certains projets de sa commune.
Entretien réalisé par Guineematin.com
Cela fait 8 mois depuis que vous êtes à la tête de la mairie de Koumbia. Où en êtes-vous aujourd’hui avec l’exécution du budget de la commune qui s’établit à hauteur d’environ 1 milliard de francs cette année ?
En recettes, nous sommes à peu près entre 30 et 40%. Pour les dépenses, actuellement ça va puisque nous n’avons pas d’arriérés de salaire avec le personnel contractuel. A notre arrivée, nous avons réglé les arriérés de salaire, et mieux, nous avons revalorisé les salaires dont certains étaient au-dessous du SMIC (salaire minimum interprofessionnel garanti, fixé à 440 mille francs guinéens). Et l’année prochaine, nous entendons revoir cette situation de nos contractuels pour qu’ils vivent plus dignement.
Quels sont vos rapports avec le département de l’administration du territoire, notamment dans le cadre de transfert des compétences ?
Celui-ci est en partie respecté. En réalité si vous prenez le code des collectivités révisé, il est mentionné que tout conseiller communal doit savoir lire et écrire à plus forte raison un maire. Mais cela n’a pas été appliqué. C’est ce qui crée d’ailleurs tous ces problèmes de gestion, puisque n’a peur des comptes qu’un comptable. Là, ça pose problème. Entre nous et l’administration, c’est comme si tu donnes l’argent à ton fils et tu le contrôles. Nous sommes dans l’apprentissage. L’Etat nous assiste à travers l’ANAFIC dans les projets de développement. Mais cet argent est viré dans le compte de la Banque centrale après l’autorisation du responsable régional de l’ANAFIC et toute la procédure de passation de marché.
Il y a un problème de paperasse qui embête les entrepreneurs locaux. C’est par exemple l’assurance, le quitus fiscal, le RCCM, ainsi de suite. Nos artisans ruraux ne connaissent pas cela. Pourtant, ils sont bien et c’est eux qui font le travail en sous-traitant avec les entreprises venues d’ailleurs. Ce qui n’est pas mal en soit forcément, mais le handicap c’est la lourdeur administrative. Moi par exemple, à cause de cette lourdeur, deux des trois projets élus n’ont pas encore connu un début d’exécution à 4 mois de la fin de l’année.
Mais, est-ce que ce n’est pas à cause des problèmes de détournement des deniers publics que toute cette procédure est mise en place ?
Si on veut régler ces problèmes, l’Etat doit entièrement responsabiliser les communes. Celui qui se comporte mal, on le débarque. Toute commune, tout maire ou conseiller impliqué dans ce genre de malversation doit être débarqué purement et simplement. C’est vrai qu’il y a eu des maires, des vices maires ailleurs qui se sont attribué des marchés, en violation de la loi. Mais qu’a fait l’Etat ? La loi est là pour être appliquée. Je rappelle que le Président de la République a dit haut et fort que ces marchés doivent revenir à nos artisans locaux pour leur permettre d’avoir un plus dans leur quotidien. C’est pour cette raison que nous demandons à l’Etat d’être un peu souple dans la procédure de passation.
Souvent, le problème, c’est l’exécution des chantiers au point de vue qualité et respect des délais de réalisation.
Je préside toutes ces commissions de suivi et d’évaluation. Le hangar du marché par exemple, j’ai assisté à la pose de la première pierre et j’ai assisté à la couverture de la dernière tôle. Pour le crépi, je viens de me voir avec l’entrepreneur à qui j’ai donné une semaine pour finir le travail.
Depuis fin juillet 2019, c’est la campagne de reboisement qui domine l’actualité. Comment est-ce qu’elle se passe ici ?
Elhadj Mamadou Saliou Kaltamba : cette campagne se passe très bien à Koumbia et je dirai même dans tout Gaoual. Puisque dans le cadre de l’initiative présidentielle, trois ONG ont été sélectionnées pour faire le reboisement. Il s’agit de l’APEPTG (Association pour la protection de l’environnement et la promotion du terrorisme), l’AJEK (l’Association des jeunes de Koumbia) et l’AGV (Association Guinée verte). Par coïncidence, toutes ces ONG sont de Koumbia.
L’argument utilisé est simple, la plupart des calamités naturelles dont est victime Gaoual, ont été enregistrées à Koumbia. C’est le cas des inondations, des incendies, des tornades dévastatrices, … Qu’à cela ne tienne, nous encourageons toutes les ONG de notre préfecture, tous les jeunes, toutes les femmes à s’intéresser au reboisement. C’est la seule chose qui peut nous sauver des conséquences graves des changements climatiques.
Puisqu’on parle de développement local, dites-nous, comment se porte aujourd’hui le secteur éducatif à Koumbia ?
C’est l’une de nos principales priorités. Celle de relever le niveau de notre système éducatif. C’est pourquoi, en début d’année, j’ai visité le collège et le lycée de Koumbia pour voir ce qui se passe. J’ai constaté que quasiment toutes les classes étaient vides. J’ai posé la question au proviseur qui m’a parlé d’un manque d’enseignants, et qu’il fallait recruter une dizaine de contractuels. Ceux qui étaient là avaient arrêté les cours à cause du non-paiement de leur argent. J’ai demandé à qu’ils soient rappelés et j’ai décidé de régler tous les arriérés à hauteur de 14 millions. Certains ont été recrutés pour combler le vide et nous avons pris entièrement en charge leur situation.
Et c’est pourquoi, nous avons obtenu le succès aux examens de fin d’année. Au brevet, nous avons présenté 109 candidats pour 108 admis. Au baccalauréat sur les 25 candidats, 8 sont admis sur un total de 16 admis pour l’ensemble de la préfecture de Gaoual. J’ai demandé à l’association de jeunes de Koumbia, composée pour la plupart de jeunes diplômés sans emploi, de venir aider leurs frères en attendant la réaction de l’Etat pour nous pourvoir en enseignant. Et je profite de ce micro pour demander aux parents d’élèves de donner une priorité à l’éducation de nos enfants.
Je demande aux présidents de districts, de me déposer la liste partout où il n’y a pas d’enseignants. Je vais proposer qu’un budget soit alloué à l’éducation pour ce genre de choses. Parce que l’éducation en Guinée, nous sommes les derniers sur le continent avec un budget de moins de 20%. Moi je vais faire le contraire. Nous allons allouer un budget de 20 à 25% de la commune pour l’éducation.
Que dire de la couverture sanitaire dans la commune rurale ?
Vous avez un centre de santé et près de 15 postes de santé à Koumbia. Mais, ce n’est pas suffisant. Nous ne voulons plus qu’une femme qui donne la vie souffre ou meurt de douleur pour manque d’assistance. Nous voulons que chaque secteur dispose de son poste de santé équipé et opérationnel. Mieux, parlant de l’autonomisation des femmes et des jeunes, nous demandons à chacun d’aller vers les groupements.
Aujourd’hui, nous avons réussi à mettre en place une banque, la LC2, le siège est obtenu et équipé et le personnel recruté et formé. Cette banque est là pour les assister. Ils peuvent obtenir des crédits agricoles et devenir indépendants. C’est ce que nous voulons pour les femmes et pour les jeunes. Nous voulons qu’ils développent des activités capables de leur apporter de revenus conséquents.
Un autre problème auquel est confrontée la sous-préfecture de Koumbia, c’est l’état des routes. Il y a eu un projet de réhabilitation de la route Koumbia-Kembéra qui avait été annoncé et qui devait être financé par l’ANAFIC. Mais jusque-là, ce projet n’a pas démarré sur le terrain. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Nous l’avons largement développé ci-haut. Mais ce que je peux vous dire, dans notre Plan Annuel d’Investissement (PAI), nous voulons rendre accessibles tous les secteurs des 20 districts de notre commune. Nous allons nous battre dans ce sens. Nous ne voulons pas entendre qu’on n’a pas accès à un secteur à cause du mauvais état de la route. Nous souhaitons la réalisation de tous les ponts.
Sur le plan religieux, il y a eu des problèmes de cohabitation entre les sectes islamiques ici à Koumbia. Avez-vous fait quelque chose pour régler ce problème ?
Je précise d’abord qu’avant il n’y avait pas ce problème, les gens cohabitaient sans problème. Tous ont le même Dieu et le même prophète. A Koumbia, ce qui a créé le problème, c’est lorsque les Wahhabites ont voulu transférer la prière des deux grandes fêtes musulmanes : la Korité et la Tabaski, dans l’enceinte de leur école et mosquée. Pendant la Korité, ils ont prié à part. Cela a failli créer des problèmes. Moi, j’étais absent. Les Wahhabites ont reconnu leur erreur et ont demandé pardon. Cette fois encore, ils ont voulu récidiver, j’ai été interpellé par la ligue. Et, vu l’ampleur du problème, je l’ai remonté à l’autorité préfectorale.
Le préfet a pris toutes les dispositions pour traiter le problème avec la ligue préfectorale et une décision a été prise. Cette décision dit quoi ? Seuls les lieux identifiés par la ligue doivent abriter les prières publiques. Finalement tout est rentré dans l’ordre. Et la prière s’est bien passée. Il faut le souligner, en tant qu’autorité, nous apprenons beaucoup de choses d’eux. Certains parlent de terroristes, d’autres de Djihadistes. Mais pour nous, c’est la cohésion sociale, la paix et la stabilité de notre localité qui focalisent notre attention. Et Dieu merci, tout se passe bien sur le terrain.
Quel message avez-vous à l’endroit de vos collaborateurs et des populations de Koumbia ?
Mon message, est celui de la cohésion sociale, la paix et l’unité des fils et filles de Koumbia. Je veux qu’on se donne la main. Je l’ai dit lors de la dernière session. J’ai dit que les élections sont finies. Mais certains conseillers se croient toujours en campagne. Nous sommes élus pour servir la population et non pour nous servir. L’agent que je reçois est destiné à développer la commune. Même le maire n’est pas rémunéré à plus forte raison un conseiller. L’argent de la commune n’est pas à partager. Certains croient que les 5% destinés au fonctionnement doivent être répartis entre les conseillers. Non, ce n’est pas ça. Cet argent c’est pour effectivement le fonctionnement de nos services. Des services qui ont besoin d’être équipés et bien entretenus. Voilà à quoi cet argent doit servir
Share this content:
Laisser un commentaire