Gestion des déchets : A Casablanca, la société civile veut s’impliquer
La société civile veut avoir son mot à dire sur la gestion des déchets à Casablanca. Un sujet plus que jamais d’actualité. La ville s’apprête en effet à trancher sur les prochains délégataires de la collecte et de la décharge de Médiouna (cf. édition du mardi 18 septembre 2018). Un choix décisif qui est pris sans en mesurer les conséquences à long terme.
C’est le message fort lancé par l’Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD) lors d’une conférence, sous le thème «Quel choix pour la valorisation durable des déchets à Casablanca», qui s’est tenue mardi 18 septembre à Casablanca. Les participants ont insisté sur la nécessité de la mise en place d’une nouvelle stratégie nationale de gestion des déchets.
«Les représentants de la société civile ne sont pas associés au processus de sélection des options envisagées dans le cadre d’une démarche participative», déplore Abderrahim Ksiri, coordinateur national de l’AMCDD et président de l’AESVT (Association des enseignants des sciences de la vie et de la terre).
Ni la collecte, ni la gestion de la décharge ne sont effectuées dans les règles de l’art.
Pour Ksiri, la gestion de la collecte des déchets au Maroc est basée sur le principe de «tout en décharge», un modèle de gestion «non durable» qui engendre des problématiques sociales et environnementales considérables.
«Après 30 ans d’enfouissement à Médiouna, Casablanca est appelée à développer une approche de gestion globale et multi-filière sur des déchets en amont de la décharge ou de la valorisation énergétique», poursuit l’acteur associatif.
Qualifiant la décharge de Médiouna de «véritable bombe à retardement» pour la métropole, il a affirmé que les déchets enfouis sur ce site via la méthode classique génèrent des nuisances et des effets néfastes sur l’environnement et la santé.
Or les ordures doivent être considérées comme une ressource et non des déchets.
Ni la méthode classique d’enfouissement, ni l’incinération ne sont des solutions viables pour la décharge, selon les acteurs associatifs. Faut-il continuer sur l’enfouissement pour des années à venir alors que d’autres options écologiques et économiquement viables sont disponibles? A titre d’exemple, l’incinération, la méthanisation, la pyrolyse ou encore le traitement bio-mécanique des déchets…
L’incinération n’est pas la solution idoine non plus. «Nous sommes contre cette option pour plusieurs raisons», argue Ksiri.
Le paramètre le plus important est que l’incinérateur n’est pas adapté à une ville comme Casablanca, qui produit plus de 60% de déchets organiques, avec une forte humidité. Les déchets organiques, très riches en eau, font baisser la température du four. Donc pour maintenir la température, l’incinérateur nécessite des déchets à forte valeur calorifique, comme le plastique.
Par ailleurs, l’installation d’incinérateurs est longue (4 ans en moyenne) et le budget pour équiper Casablanca serait lourd. La construction d’un incinérateur de déchets coûte 7 à 8 fois plus cher qu’une centrale électrique. Il faut compter au minimum 7 millions de dollars par MW produit, soit 700 millions de dollars pour un gros incinérateur pouvant produire 100 MW. Le coût de traitement à la tonne devrait aussi avoisiner les 700 à 800 DH.
Outre le facteur coût, l’incinération est polluante et source d’émanations de dioxine (gaz cancérigène), même dans ses versions les plus modernes. Son process est extrêmement centralisé, profitant à un petit groupe de personnes et n’emploie pas beaucoup de main-d’œuvre.
En somme, l’incinération est une option coûteuse pour les communes qui doivent garantir une quantité suffisante de déchets sur des décennies, selon les experts. Ce qui a pour effet de bloquer les efforts de tri sélectif en amont.
MINE D’OR
La décharge de Médiouna est «une véritable mine d’or», exploitée par plus de 850 récupérateurs, qui en extraient quotidiennement environ 1.000 tonnes de matériaux, réinjectés dans le circuit informel et formel du recyclage. Ce lobby, qui tire profit des ressources de la plus grande décharge du pays, n’a certainement pas intérêt à ce que la filière s’organise et intègre le circuit formel.
Leconomiste.com
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