Foire ouest-africaine des semences paysannes à Djimini : Vélingara, carrefour semencier
Le village de Djimini, dans le département de Vélingara (région de Kolda), a abrité la Foire semencière ouest-africaine la semaine dernière. Un rendez-vous devenu continental et qui fait de Vélingara presque un carrefour semencier sous-régional.
Sagar Ndiaye, quinquagénaire, debout sur 1 mètre 70, expose ses variétés de niébé à la Foire semencière de Djimini (département de Vélingara, région de Kolda). C’est la quatrième fois que la native de Thiès participe à ce rendez-vous semencier à dimension sous-régionale. « Grâce à cette foire, je découvre de nouvelles variétés de semences et des techniques de culture. Ici, on échange et on partage des expériences. Aucun participant ne rentre bredouille de ce rendez-vous africain. On apprend toujours », déclare-t-elle, montrant du doigt ses produits étalés sur une table de fortune. Les semences de niébé sont la spécialité de Sagar. « Niébé Goana », « Niébé Yacine, « Niébé Marème Penda », « Niébé Machallah »… Sagar expose tout.
Son voisin, Koffi Ousgom, paysan ghanéen, exerce dans la culture du mil et du maïs. La trentaine, il participe, pour la première fois, à la Foire de Djimini. « J’ai beaucoup appris de ce rendez-vous en termes de variétés de semences. J’invite les organisateurs à tenir la rencontre chaque année, au lieu de deux ans. Les semences paysannes sont indispensables pour l’autosuffisance alimentaire en Afrique. Aujourd’hui, on a la possibilité de manger bio et de ne pas importer ce que l’on consomme », soutient-il.
C’est d’ailleurs l’objectif de ce grand rendez-vous semencier, septième du genre, tenu à Vélingara la semaine dernière. Organisé par l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (Afsa), en partenariat avec l’Association sénégalaise des producteurs de semences paysannes (Aspsp), la Foire des semences paysannes de Djimini englobe échanges, expositions, ateliers, témoignages, débats, projections de films, animation culturelle et conférences. Elle permet d’échanger et de partager des expériences sur des techniques de semences et de production. Tous les deux ans, des paysans venus d’Afrique de l’Ouest se rencontrent dans cette foire semencière du village de Djimini, patelin de terre niché dans la commune de Saré Coly Sallé, dans le département de Vélingara, région de Kolda. La rencontre sous-régionale regroupe, entre autres, producteurs, semenciers, opérateurs et scientifiques. Elle est un rendez-vous du donner et du recevoir et une occasion pour les acteurs agricoles ouest-africains de partager leur savoir-faire.
Un rendez-vous à pérenniser
Ibrahima Diack, exposant thiessois, figure au premier rang à la Foire de Djimini. Taille moyenne, verbe haut, il magnifie ses produits. « J’expose des produits médicinaux. On a des produits bio très efficaces. Ma patronne, une Française, ne rate jamais ce rendez-vous. Depuis sept ans, elle expose ses tisanes médicinales qui soignent plusieurs maladies du corps et du ventre. L’État doit pérenniser ces genres de rencontres et sensibiliser particulièrement les populations sur l’importance de cette foire », invite-t-il. Pour lui, les villageois doivent sentir les retombées de cette foire semencière qui a réussi à sortir Djimini de l’anonymat.
Le stand d’Adama Diallo, 72 ans, attire la curiosité des visiteurs. L’exposant, venu de Djamguel, dans le département de Podor (région de Saint-Louis), présente des produits variés : riz local, maïs, mil, niébé, etc. « C’est la 7ème fois que je participe à cette rencontre d’échanges et de partage », informe Adama. J’échange avec des paysans de Guinée-Bissau, Mauritanie, Mali, Ghana et Bénin. On tire tous profit de cette foire. C’est une grande expérience pour les paysans ouest-africains. Hier, j’ai contacté une dame qui travaille à l’Isra. Elle doit me présenter une nouvelle variété d’arachide que je veux expérimenter dans mon pays », confie Adama Diallo. À son avis, l’État doit les aider en facilitant l’obtention des licences pour pouvoir exporter les productions dans la sous-région et ailleurs. Par exemple, Adama dit disposer d’un stock de riz de plusieurs années non vendu, faute d’espaces d’écoulement.
Moussa Diallo, vice-président du Cadre de production de riz de Matam, exhorte aussi les autorités étatiques à baliser les champs aux paysans. Selon lui, si le Gouvernement met les moyens, le Sénégal peut atteindre l’autosuffisance alimentaire en un an. « On a le soleil, l’eau et la terre. Il urge d’être autonome vis-à-vis de l’Occident. La Covid-19 nous l’a appris. Cette année, ma coopérative rizicole a produit une cinquantaine de tonnes de riz. Et chaque saison, on peut faire mieux. Il suffit juste d’un appui conséquent en matériels agricoles et semenciers pour relever ce défi », plaide-t-il.
Une pluralité d’offres semencières et d’opportunités
Accroché devant un stand, le Béninois Omer Agboligan, coordinateur régional adjoint du Comité ouest-africain des semences paysannes (Coasp), écoute attentivement les explications d’Aïssatou Ndiaye, une exposante sénégalaise venue de Dakar. Omer participe pour la troisième fois à cette rencontre sous-régionale. Il liste les avantages du grand rendez-vous de Djimini. « Cette foire, jure-t-il, est d’une importance capitale pour nous, Africains. De plus en plus, les gens se rendent compte que l’Afrique doit être autonome vis-à-vis de l’Europe. Et il n’y a pas d’autosuffisance alimentaire sans de bonnes semences. Il n’est pas question que les paysans laissent les semences dans les mains des industriels. Pour sa sécurité et sa survie, le paysan doit avoir sa propre semence pour ne pas être un ouvrier agricole ». Omer Agboligan de renchérir : « Il y a une pluralité d’offres semencières et d’opportunités qu’offre la foire. À chaque participation, j’apprends sur la manière de cultiver la terre des autres. Grâce à ses compétences et ressources, l’Afrique ne doit plus rester sous la coupole des Occidentaux. Elle doit se nourrir elle-même. C’est donc l’occasion de dire à nos dirigeants africains qu’ils peuvent nous faire confiance. Ce n’est pas aux bailleurs ou sociétés étrangères de dicter notre alimentation. Ici, à la foire, on est en train de réfléchir pour voir comment garder notre biodiversité intacte et rester autonomes ».
Philipe Sandoze est de nationalité française. Il a quitté Diaparou (région de Thiès), pour participer à la foire. « Je suis venu soutenir cette belle action des paysans africains. Ils ont compris que les semences fermières sont la seule alternative pour lutter contre la pauvreté, la famine et la pollution. Étrangers ou Africains, cette rencontre profite à tous les participants. On partage, échange et apprend beaucoup des autres ».
Le Soleil
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