Difficultés financières, revenus précaires, prise en charge : L’univers pas toujours rose des récupératrices

Difficultés financières, revenus précaires, prise en charge : L’univers pas toujours rose des récupératrices

La vie décharge sur ces âmes besogneuses son lot de tracasseries. Mais les récupératrices ne lâchent rien. Dans un milieu réputé masculin, elles se font leur place en dépit des aléas. 

Les camions poubelles traversent la route menant au dépotoir en file indienne. Les entrées et sorties de la décharge sont filtrées et contrôlées. Après ce passage obligatoire, elles peuvent enfin avoir accès à Mbeubeuss. Cette décharge offre une image bien différente. Le contraste est saisissant. C’est tout un désordre organisé dans cet univers où le visiteur est tout de suite plongé dans un autre monde. Des tas de déchets de différents matériaux sont entassés de chaque côté. La décharge n’a rien à envier à une usine de tri. Les véhicules déchargent les détritus directement au niveau de la plateforme de l’émergence. Un, deux, et c’est la ruée vers l’or dur. Les récupérateurs fouillent et farfouillent pour trouver leur bonheur. Une véritable chasse aux trésors. La poussière ne semble point incommoder ces fouilleurs. Les visages masqués, des « moussors » (mouchoirs de tête) bien ajustés, il faut cligner deux fois des yeux pour reconnaitre les récupératrices. Malgré une forte canicule, elles n’hésitent pas à mettre la main à la pâte pour pouvoir vivre dignement. Ici, elles ramassent, trient et vendent pour quelques sous à la fin du mois. Le style vestimentaire est des plus précaires. Les couleurs sombres sont privilégiées. En jeans, t-shirts, casquettes et baskets, elles se fondent facilement dans la masse. L’apparence et l’esthétique sont reléguées au second plan. C’est le prix de la survie. Munies de petites pioches ou à mains nues, les récupératrices essaient de dénicher l’or dur.

Revenus précaires 

Fatou Samb est debout un peu plus loin de ces tas de détritus où les récupératrices se ruent sans ménagement. Cette dernière est en retrait. Le masque bien ajusté, les mains tachées par la crasse, elle regarde quelques jeunes faire la besogne. En effet, la récupératrice a des ‘’employés’’ qui se chargent de la collecte à sa place. La peau ridée, le regard hagard, elle suit avec intérêt le travail. Un accident à l’œil gauche a contraint la femme de 63 ans à lever le pied. « Ce sont les risques du métier », dit-elle sans entrer dans les détails. Malgré cet incident, il n’est pas question de laisser tomber Mbeubeuss. Fatou Samb a passé une bonne partie de sa vie dans cette décharge. Mère Samb pour les intimes est devenue la doyenne de ce lieu où ses collègues lui vouent respect et considération. « Je fais partie des premières récupératrices », avoue-t-elle fièrement jetant un œil sur ses protégées.

La récupératrice est dans ce secteur depuis 33 ans. Elle connait la décharge sur le bout des doigts. Chaque jour, la sexagénaire vient récupérer tout ce qui est plastique. Après la pesée, elle revend cela à 15 FCfa le kilogramme « J’en donne une partie à mes garçons », explique-t-elle. Des revenus dérisoires, d’après cette maman de neuf enfants. « C’est difficile d’y trouver son compte. Je peine à subvenir à mes besoins », confie-t-elle.

« J’arrive à peine à subvenir à mes besoins », dit Mariama Gningue d’un ton laconique. La femme de 45 ans est dans la récupération depuis huit ans. Contrairement à Mère Samb, la quadragénaire mise sur les déchets alimentaires. Restes de riz, épluchures de légumes, elle les récupère, puis les met dans des sacs. Après cette étape, Mariama revend le sac à 1250 FCfa aux éleveurs de bœufs, d’ânes, de porcs. « Je peux gagner entre 2.000 FCfa et 4.000 FCfa », révèle cette mère de famille. Cependant cela ne suffit pas pour cette ancienne lingère. « Je suis divorcée et mère de six enfants. Ce n’est pas facile de m’occuper d’eux avec ces revenus », partage-t-elle avec une pointe d’amertume.

Sans gants ni masques 

Le « moussor » suffit à peine pour cacher ce visage candide. Et pourtant les yeux ne trompent pas. Ils révèlent une certaine candeur à peine dissimulée. Le corps frêle, les mains poussiéreuses portent les stigmates du temps passé à fouiller et collecter les détritus. Aminata Guèye fait partie des jeunes récupératrices de Mbeubeuss. Agée de 22 ans, elle effectue sa besogne à l’aide de gants usés à côté de ses camarades. La tête basse, rompue à la tâche, la récupératrice ne rechigne pas devant l’effort. Elle finit par nous accorder un peu de temps. Dans le métier depuis 2010, c’est grâce à une amie que la jeune femme se lance dans la récupération de ferrailles. Après quelques réticences, elle accepte de travailler dans cet univers. « J’avais beaucoup d’appréhensions », révèle-t-elle. Mais Aminata Guèye s’adapte à ce travail. Dans la récupération depuis deux ans, elle a percé à coups de pioche. Chaque jour, la récupératrice commence à 9h pour finir à 18h. « Je gagne entre 6.000 FCfa et 10.000 FCfa », avoue-t-elle. La jeune fille révèle y trouver son compte. Cependant elle pointe du doigt des maux liés au manque de matériels et de tenues adaptés ainsi que d’une prise en charge médicale. Elle espère des lendemains roses bien loin de la décharge de Mbeubeuss.

Le Soleil

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