Comment les entreprises dynamisent les territoires ?
Longtemps minoré en raison de facteurs historiques, politiques et culturels, le rôle des territoires dans la réussite des entreprises, et réciproquement, revient sur le devant de la scène. Une alliance qui, bien menée, peut devenir un facteur de compétitivité commune.
Faire émerger des solutions tous azimuts à l’échelle nationale ? L’attente est forte, à l’heure de la clôture du grand débat . Mais la crise des « gilets jaunes » aura plus que jamais mis en lumière le rôle des territoires, l’importance de leur développement économique et de leur cohésion. Hervé Morin, le président des Régions de France, a même proposé de convoquer une conférence nationale des Territoires qui associent les chefs d’entreprise pour tirer les conclusions de la consultation .
Dans la même logique de co construction, le gouvernement a lancé, en fin d’année dernière, un programme baptisé « Territoires d’industrie » . Doté de 1,36 milliard d’euros, il vise à « accompagner le renouveau industriel local » de 136 territoires, intercommunalités ou groupes d’intercommunalités, situés dans les campagnes, les espaces périurbains, ou les villes petites et moyennes. Parmi les heureux labellisés figurent des espaces bien connus, comme les vallées de l’Arve et de la Maurienne, ou encore le bassin du Creusot, mais aussi d’autres moins attendus comme Ajaccio, Bastia, Cayenne et Kourou.
A chaque fois, le même système prévaut : pour décrocher une aide, le projet doit être lancé par un élu local et un industriel, et recevoir l’aval du conseil régional. A en croire la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, Agnès Pannier-Runacher, une trentaine de territoires disposent déjà de tels tandems. Les premiers contrats devraient être signés d’ici à la fin de la Semaine de l’industrie, qui s’ouvre ce lundi, avec l’objectif d’une quinzaine ratifiée à la fin du mois de mars.
Un partenariat fructueux
Car, de part et d’autre, et alors que les difficultés économiques font tanguer certains sites locaux – Ford à Blanquefort , Ascoval à Saint-Saulve , PSA à Hérimoncourt , Neuhauser à Folschviller ou encore les Fonderies du Poitou à Ingrandes -, tous les acteurs ont compris que les territoires pouvaient constituer un atout maître dans la réussite des entreprises, et inversement. « Les territoires ne sont plus simplement le cadre neutre de l’action des entreprises. Ils représentent de véritables facteurs de compétitivité et requièrent de la part des acteurs privés un investissement pérenne plutôt que ponctuel, soulignait l’Institut de l’entreprise dans un rapport intitulé « Entreprises et territoires : pour en finir avec l’ignorance mutuelle » qui, même sorti il y a plus de cinq ans, n’a rien perdu de sa pertinence. « Réciproquement, pour les territoires, la compétitivité s’acquiert par des stratégies de longue haleine, capables de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés : entreprises, universités, acteurs publics et citoyens. »
Fortes de ce constat, des dynamiques territoriales sont déjà à l’oeuvre, riches de PME, souvent familiales (Baudelet Environnement, Groupe Cheval, La Varappe, etc.). « On se rend compte que ces entreprises ont été créées par des familles, perpétuées au fil des générations, et ont développé un écosystème autour d’elles, analyse Rania Labaki, la directrice du Edhec Family Business Center. Il y a d’ailleurs un attachement très fort de la communauté autour d’elles. » Et même lorsque ces entreprises s’internationalisent ou se développent dans d’autres régions, leur territoire d’origine demeure leur base.
L’implantation comme bastion
Ainsi, après quelques années dans la capitale, Lisi – 1,6 milliard de chiffre d’affaires en 2018 – a décidé, il y a un an, de réinstaller le siège social du holding sur ses terres historiques. Direction Grandvillars, village de 1.200 habitants du Territoire de Belfort et fief de la famille Viellard. « Lorsque l’on est une famille d’entrepreneurs installée localement, il y a une fidélité à son territoire qui crée un attachement naturel. Nous y avons nos repères et nos gènes », explique Emmanuel Viellard, le directeur général du groupe qui habite désormais sur place. « Un dirigeant arrive très bien à travailler à partir d’un territoire comme le nôtre, désenclavé avec le TGV et proche d’un aéroport (Bâle, NDLR), souligne ce dernier. Et avec une meilleure qualité de vie. »
L’épicentre de Lisi, qui emploie plus de 12.000 collaborateurs à travers le monde, dont 6.500 en France, est donc aujourd’hui le bâtiment historique rénové. « Les emplois générés localement orientent les infrastructures, provoque la modernisation de quartiers, apporte du dynamisme au territoire », expose le dirigeant. L’une des difficultés est de recruter des personnes qualifiées. « Nous formons localement et prévoyons même d’ouvrir notre université interne sur le site du siège, en 2020 », annonce Emmanuel Viellard. Un cercle vertueux qui permettra, à terme, en améliorant le cadre de vie, en restaurant une image positive, et en jouant un rôle actif dans le développement local, d’attirer et de retenir les talents, mais aussi de renforcer ainsi la compétitivité de l’entreprise, comme du territoire.
business.lesechos.fr
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