Abdoulaye Sène, président du Comité préparatoire du Forum mondial de l’eau de Dakar : « Nous voulons des réalisations concrètes avant le Forum mondial de l’eau de Dakar »
Le Sénégal va accueillir le plus grand évènement mondial de son histoire depuis son indépendance. Le prochain Forum mondial de l’eau se tiendra au Sénégal en 2021. Dans cette interview, le président du Comité préparatoire de la candidature du Sénégal, Abdoulaye Sène, égrène les critères qui ont prévalu au choix du Sénégal. Il s’agit, entre autres, du leadership du président de la République, Macky Sall qui a porté les questions liées à l’accès à l’eau au Conseil de sécurité des Nations-Unies, des performances du Sénégal en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, de sa diplomatie, de son expérience à abriter des événements de dimension internationale et de ses atouts logistiques actuels et futurs. D’ici à 2021, le Sénégal a lancé des initiatives visant à accélérer la marche vers les Objectifs de développement durable.
Le Sénégal a participé au Forum mondial de l’eau à Brasilia. Quel bilan tirez-vous de la participation du Sénégal ?
C’est un bilan très positif à tous les égards. L’étape de Brasilia est très importante. C’était l’occasion pour le Sénégal de prendre connaissance des modalités d’organisation du 8e Forum, de voir la participation des acteurs, d’apprendre des points positifs et des points négatifs. A cela, il fallait que la présence du Sénégal suscite l’intérêt de tous les acteurs du monde à venir au Forum de Dakar. Parce que le défi numéro 1 d’un forum, c’est celui de la participation : le nombre des participants, la qualité de la participation et surtout le contenu du programme. Le Sénégal s’est préparé à atteindre tous ces objectifs. Il s’agit d’apprendre, de nouer des contacts, mais surtout d’avoir une participation de qualité qui démontre notre capacité à accueillir un forum mondial. Nous devons rappeler que c’est le plus grand événement mondial dans le domaine de l’eau.
C’est une participation réussie. D’abord les plus hautes autorités ont apporté la plus grande attention. Ensuite qu’il était prévu que le président de la République y prendrait part personnellement, en tant que président du futur pays d’accueil. Les circonstances nationales, notamment l’accident de l’hélicoptère ne lui ont pas permis d’y aller mais le Premier Ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, l’a très bien représenté. Il a invité le monde entier voir ce que le Sénégal est en train de faire pour l’accès à l’eau potable, son engagement politique au Conseil de sécurité. M. Dionne a insisté sur la politique du Sénégal pour l’accès à l’eau potable et à l’assainissement en prenant les exemples de coopération avec les pays frères à travers l’Omvs et l’Omvg.
Je dois signaler qu’en plus du Premier Ministre, il y avait le ministre des Affaires étrangères, Sidiki Kaba, le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Mansour Faye. Nous avons eu l’appui de notre ambassade et celles des pays amis. L’idée du président de la République, est d’accueillir le forum pour le compte de l’Afrique.
De façon concrète, qu’est-ce que le Sénégal a présenté aux autres pays pour susciter leur intérêt à venir participer au forum de Dakar ?
Nous avons une diversité de participants. Il y avait des parlementaires, des élus locaux, des universitaires, des professionnels, du secteur privé, des jeunes professionnels de l’eau, des étudiants… Nous sommes partis de façon significative. A part le pays hôte, le Brésil, le Sénégal avait le plus grand stand. Nous avons respecté la tradition en matière d’aménagement de stand. De gros efforts ont été faits pour l’organisation de l’espace, la décoration et l’animation culturelle. Durant toute la semaine, il y a eu des sessions de manière continue. Nous avions entre 4 et 5 sessions par jour. Nous avons organisé des sessions conjointes avec la Bad, l’Afrique du Sud. Egalement avec d’autres pays dans notre stand. Notre pays a été très représenté à toutes les sessions. C’est le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement du Sénégal qui a clôturé la journée mondiale de l’eau. La Sones, l’Ofor, l’Onas, l’Olac, la Sde ainsi que l’Omvs et l’Omvg étaient présents. La ville de Dakar a été fortement représentée. Sa délégation s’est distinguée par sa participation aux sessions. Nous avions de l’animation culturelle de façon continue pendant toutes les pauses déjeuners avec des artistes sénégalais installés au Brésil. Nous avons organisé, avec le Brésil, la cérémonie de remise de flambeau la plus mieux réussie en faisant venir à cette occasion l’artiste planétaire Youssou Ndour.
Qu’est-ce qui a présidé au choix du Sénégal pour accueillir le Forum mondial de l’Eau ?
A Sene OmvsIl faut d’abord noter que ce n’est pas évident qu’un pays comme le Sénégal puisse convaincre le jury de ses capacités à accueillir un tel événement. Jusqu’ici, cet événement était organisé par des pays qui ont des moyens plus importants même si nous avons à l’esprit que le premier Forum mondial a été organisé en 1997 au Maroc. Mais, il faudra souligner que celui-ci a servi de base pour configurer ce qui est devenu aujourd’hui le Forum mondial. Dans le passé, les pays organisateurs étaient le Brésil, la Corée du Sud, la Turquie, le Mexique, les Pays-Bas et le Japon. Il a fallu que le Sénégal démontre sa volonté politique fondée sur un engagement constant en matière d’eau pour que sa candidature puisse peser. Le Sénégal a été le premier pays à porter le débat sur eau et sécurité au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Ce n’est pas un hasard si le président de la République, Macky Sall fait partie du Haut Panel sur l’eau qui a été mis en place par le système des Nations-Unies.
Le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Mansour Mansour Faye fait aussi partie du Panel de haut niveau sur la paix et la sécurité. Nous avons également démontré notre engagement en Afrique. Le Sénégal figure sur la liste des trois pays pionniers qui ont mis en place la Conférence africaine des ministres chargés de l’eau (Amcow). Il est aussi un exemple au sein de l’Omvs et de l’Omvg. D’ailleurs les indicateurs publiés par le Think Tank placent l’Omvs parmi les organismes de bassin les plus performants au monde. Cette année, l’Omvg a regagné ce groupe. Le Sénégal fait partie des pays qui ont atteint les Omd à l’époque, en matière d’eau potable. Il y a ces acquis. Mais il s’y ajoute que le Sénégal a une diplomatie internationale qui est réputée. Pour preuve, il a abrité à plusieurs fois le sommet de la Francophonie et l’Organisation de la conférence islamique. Certes ces événements n’ont pas la même taille, ne sont pas de la même nature, mais cela illustre la capacité du Sénégal à accueillir des événements internationaux. Nous avons déjà organisé la Coupe d’Afrique de Football. C’est un pays ouvert. Donc nous avons une capacité de mobilisation et une capacité à porter ces genres d’événements.
Je pense que le Forum mondial de l’eau serait le plus grand événement mondial que notre pays aurait organisé depuis son indépendance. Nous parlerons du Festival mondial des arts nègres, ce sont des événements assez segmentés alors que le Forum mondial de l’eau est ouvert à tous les continents et à tous les acteurs. Cela risque d’être certainement le plus grand événement que le Sénégal va organiser. Nous avons misé sur notre diplomatie, sa reconnaissance au plan international, sur l’engagement politique du président de la République qui a été très présent dans la présentation de notre candidature et dans sa promotion.
Le Sénégal serait-il prêt au plan de la logistique ?
Nous voulons démontrer que le Sénégal dispose aussi de capacités logistiques. Le premier problème, c’est de dire nous avons assez d’hôtels, assez de salles ? Aujourd’hui, vous avez tous ces chantiers en cours. Le Sénégal aura une capacité d’accueillir un tel forum. Nous avons le Centre international de conférence Abdou Diouf à Diamniadio où d’autres établissements hôteliers sont en construction. Nous avons déjà comme acquis les grands hôtels de Dakar, de la Petite Côte et de la ville de Thiès et d’autres qui seront construits près de l’Aéroport international Blaise Diagne.
Nous pouvons utiliser le centre de conférence de la Cité ministérielle, il y aura des amphithéâtres avec l’Université de Diamniadio. De plus, l’Aréna en construction permettra d’accueillir les cérémonies d’ouverture et de clôture. Il y a aussi la possibilité d’aménager aux abords du Centre des chapiteaux pour les expositions et les sessions. Tout cela a convaincu le Conseil mondial de l’eau à accepter la candidature du Sénégal.
Pourquoi l’Initiative Dakar 2021 ?
Nous avons voulu nous inscrire dans une démarche d’un forum rénové. En général, le forum est perçu à tort comme étant un événement qui se déroule sur une semaine. Ce n’est pas le cas. Le forum, c’est un processus préparatoire qui dure au moins 3 ans. Durant cette période, il y a des réflexions, des rencontres, des initiatives pour faire avancer l’agenda de l’eau. Nous étions les porteurs de messages à Brasilia pour dire que le Sénégal et l’Afrique ont des appréhensions par rapport à l’atteinte des Objectifs de développement durable en 2030. Par conséquent, nous voulons appeler la communauté internationale à prendre conscience des risques et à redoubler d’efforts pour que l’accès universel à l’eau potable soit réalisé avant même 2030. Avec l’appui de ses partenaires, le Sénégal veut contribuer à l’accélération de l’atteinte des Odd.
Nous voulons un forum qui met en avant les priorités de l’Afrique tout en restant ouvert à toutes les questions et à tous les défis de l’accès à l’eau à l’échelle mondiale. C’est dans ce cadre que nous avons proposé au Conseil mondial de l’eau de mettre en place l’initiative Dakar 2021. Il s’agira, d’ici 2021, d’élaborer et de réaliser ces projets de manière à ce que nous puissions présenter des résultats concrets issus du processus préparatoire. Il nous faut un processus préparatoire qui génère des réalisations concrètes qui contribuent à l’amélioration de l’atteinte des Odd en particulier pour l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement.
Cette initiative pourrait signifier à travers le monde 2021 systèmes d’alimentation en eau pour 2021 collectivités dans le monde. Nous allons aussi adresser la question de la formation. Tout le monde sait qu’il y a un déficit de ressources humaines qualifiées. Il faut donc former des ingénieurs, des techniciens, des ouvriers et des acteurs. Notre souhait, c’est aussi de faire avancer l’agenda des organismes internationaux de gestion des eaux transfrontalières. Le Sénégal est un exemple. Ce n’est pas un hasard si le Sénégal abrite les sièges de l’Omvs et l’Omvg. Nous voulons faire valoir ces expériences. Nous voulons que le monde s’en inspire pour qu’il y ait davantage d’initiatives.
Quelle est la finalité du Fonds bleu mondial ?
Le Sénégal a lancé le Fonds bleu mondial en ayant comme but de mobiliser des ressources financières pour la concrétisation des projets d’accès à l’eau potable d’ici à 2021. Le Premier Ministre a lancé formellement le Fonds mondial de l’eau. Le Sénégal a voulu d’abord être exemplaire avec l’initiative d’un Fonds national de l’eau. L’Afrique du Sud et la Bad ont décidé de nous accompagner en lançant un Fonds africain de l’eau en cours d’alimentation. Nous avons des appuis à l’échelle mondiale. Nous souhaitons que d’ici 2021, ce Fonds soit opérationnel.
Nous voudrions, comme cela a été fait ailleurs et d’une manière différente, que Dakar 2021 soit l’occasion de lancer des initiatives historiques allant dans le sens de l’accélération des Odd en matière d’accès à l’eau potable et de prise en charge des préoccupations africaines en lien avec l’agenda 2063. L’objectif, c’est d’avoir un forum rénové en lien avec les préoccupations de l’Afrique tout en restant international, avec un lien sur les grands agendas comme l’Accord de Paris sur le climat.
Le Soleil
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