Recrudescence des embarcations irrégulières : tous coupables

Recrudescence des embarcations irrégulières : tous coupables

L’émigration en direction de l’archipel espagnol est en pleine recrudescence. Des centaines de décès ont été, encore, enregistrés au large des côtes ouest-africaines. Parmi eux se trouvent de nombreux Sénégalais qui ont péri en tentant de rejoindre l’Europe à bord de pirogues.

Malgré les dangers que représente la traversée de la mer via des pirogues, de plus en plus des candidats et candidates tentent de partir des côtes sénégalaises dans le but d’échapper à la crise économique qui secoue le pays.

En moins d’un mois, plusieurs embarcations ont été arrêtées par les forces de sécurité sénégalaises. Des candidats à la migration irrégulière. La dernière a eu lieu à la veille de la Tabaski. Au moment où tout le monde se concentrait sur les préparatifs de la fête, des jeunes désemparés, désespérés, ont voulu rejoindre les côtes européennes.

Au nombre de 41, ces candidats à l’émigration irrégulière ont été interpellés à Djiffer, un village de pêcheur situé dans la commune de Palmarin (Fatick) par la brigade de gendarmerie de Fimela. Un phénomène qui inspire presque tous les jeunes de la sous-région. Pour cette énième arrestation, « les 41 migrants sont de nationalités diverses avec 21 sénégalais, 15 bissau-guinéens et 5 guinéens » a précisé le capitaine Ndèye Faly Ba, commandant de la compagnie de gendarmerie de Fatick lors d’un briefing avec le service communication de la gendarmerie nationale. 

Le capitaine Bâ a expliqué que l’interpellation de ces migrants est survenue à la suite d’une patrouille effectuée sur la plage de Djiffer par des agents de la brigade de Fimela dans la nuit du 5 au 6 juillet 2022. Quelques jours auparavant une autre embarcation a, également, été arrêtée dans la zone. Tous, des jeunes à la recherche d’un avenir meilleur car ils voient leur vie hypothéquée au Sénégal.

Le chômage endémique des jeunes empire la situation

L’exode en cours dissone avec les promesses du gouvernement de créer de l’’emploi et mettre le pays sur la voie de l’émergence. Autour de 20 % des jeunes de 15-24 ans seraient au chômage, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. La moitié de la population, qui a presque triplé en un demi-siècle, a moins de 18 ans et une forte proportion n’est ni à l’école ni au travail. Ils sont laissés à eux-mêmes. Les rares qui sont dans l’entrepreneuriat ou le secteur informel ont du mal à voir leurs business décoller. Ils n’ont pas de soutien, pas d’appui. Une situation empirée par la pandémie à covid 19 qui a mis à terre une bonne partie du business de ces jeunes. Certains qui étaient salariés dans des entreprises de la place ont subi les affres de la covid 19. Ils sont nombreux, les jeunes qui travaillaient dans des hôtels sur la petite côte, à être remerciés. Leurs employeurs n’ont pas pu résister. Des centaines voire milliers de salariés remerciés. Ils viennent alors allonger la longue liste des chômeurs. Aucune perspective pour ces jeunes, sur la petite côte …

En mer, la rareté des poissons risque de ramener la situation de 2006

On se rappelle. En 2005, 2006 beaucoup de jeunes pécheurs avaient tenté de rejoindre les côtes espagnoles. Des mareyeurs convertis en passeurs. Une situation qui risque de refaire surface à cause de la rareté du poisson qui devient inquiétant. Depuis quelques temps, les quais de pêche ne tournent que quelques jours par semaine et les marchés, qui d’ordinaire transforment le bord de mer en un banc grouillant d’hommes et de femmes dans les relents de marée, ne sont plus fréquentés comme auparavant. La principale ressource se fait rare. Du coup, pêcheurs et mareyeurs cherchent de nouvelles pistes pour survivre. Les pécheurs pointent du doigt le Gouvernement qu’ils accusent d’avoir bradé toutes les ressources halieutiques. Ils peuvent faire des jours en haute mer et ne rentrent qu’avec une petite quantité de poisson. La pêche génère plus de 53 000 emplois directs et 540 000 indirects au Sénégal, selon l’ONU.

Du côté du Gouvernement des réponses pas assez claires sont apportées. Seuls 31 navires européens pêchent dans les eaux sénégalaises et ils capturent des espèces qui intéressent traditionnellement peu les pêcheurs sénégalais. Des éclairages que les pécheurs ne veulent pas entendre, du tout. Pour eux le principal responsable de cette situation, qui risque d’empirer, c’est le Gouvernement.

Pour certains jeunes interrogés sur la question, seuls des actions concrètes sur l’emploi des jeunes peut arrêter cette nouvelle situation.

Pourtant, le Gouvernement invoque des centaines de milliards de francs CFA dépensés ces dernières années dans différents programmes pour soutenir l’employabilité des jeunes et la création d’entreprises …

… au-delà, pas de politique de développement local pour fixer les jeunes

Le Sénégal pourtant regorge des richesses énormes. Une richesse exploitée toujours par des étrangers, ou au profit d’une toute petite partie de la population. Au moment où des milliers de jeunes peinent à trouver de quoi joindre les deux bouts, les candidats à la migration irrégulière proviennent pour la plupart de l’intérieur du pays parce qu’il n’existe aucune offre intéressante au niveau des territoires pouvant les retenir. Pourtant, les collectivités territoriales doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle dans la lutte contre le départ de ces jeunes vers cette aventure très dangereuse.

Les collectivités doivent être en première ligne dans la gestion de la migration et contribuer dans la recherche de solutions efficaces pour atténuer les effets négatifs des politiques migratoires. Les collectivités territoriales ou associations faitière ont l‘obligation de de développer des initiatives en faveur des jeunes.

Cependant, il existe très rarement dans les collectivités territoriales un rapport de confiance entre la commune ou le département et la jeunesse. Les jeunes ne font pas confiance aux collectivités. Leurs offres ne font pas rêver les jeunes. Ceux-ci se rapprochent des collectivités, dans la plupart des cas, que pour chercher des papiers. Pas de rapport, pas de dialogue, pas de confiance.

Sur la question de la gouvernance migratoire, également, l’Etat semble être le principal décideur. Les collectivités territoriales ne sont pas impliquées. Pourtant un dialogue permanent devrait être établi entre l’Etat et les collectivités en vue d’une meilleure gestion du problème migratoire. Ce dialogue doit permettre d’élaborer une nouvelle politique sur la migration qui prend comme référence la solidarité, la promotion de l’économie territoriale et l’orientation, et relie étroitement migration, sécurité et développement. Faudrait-il le reconnaitre, également. La migration constitue un véritable levier de développement local. La question de la migration ne semble pas être à l’ordre du jour sur la question de la coopération entre les villes du nord et celles sénégalaises.

Cette perspective devrait normalement déboucher sur l’élaboration de stratégies locales à même de renforcer l’information et la sensibilisation des jeunes afin de lutter davantage contre la migration irrégulière et permettre aux jeunes de voyager dans les meilleures conditions et trouver du travail dans les communes d’accueil.

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