Féminisation de l’immigration à Saint-louis : vers un effondrement du mythe asiatique ?
La féminisation de la migration est une réalité au Sénégal. Le plus souvent ce sont des réseaux clandestins qui s’organisent pour les convier dans certains pays d’Asie en leur promettant du travail et de meilleures conditions de vie. D’après un reportage réalisé à Saint-Louis, nord du Sénégal, il est loisible de constater que les femmes commencent à prendre conscience des conséquences néfastes de de ce fléau.
Amy Kane, la quarantaine dépassée, est une migrante de retour. La jeune dame a tenté à deux reprises l’immigration, en Arabie Saoudite, où elle était conviée par un certain B. Dia. Ce dernier lui avait promis du travail domestique avec une très bonne rémunération. « C’est en 2017 que j’ai connu B. Dia. C’est une vieille connaissance qui me la présenter. Elle m’avait fait savoir que Dia conviait des jeunes femmes sénégalaises. Et c’était effectivement vrai. Parce que, lorsque je suis entrée en contact avec lui et qu’il m’a expliqué le processus, j’étais convaincu (…) Les papiers administratifs et toutes les démarches, c’est lui qui l’avait géré. Je sais également qu’il a des connexions au niveau de l’Ambassade d’Arabie Saoudite. Je me rappelle le jour où je me suis présentée à l’Ambassade, je n’avais aucune difficulté, parce que, je suivais à la lettre les recommandations qu’il m’avait faites », se souvient-elle.
Seulement, le voyage d’Amy a fini par être un cauchemar. En Arabie Saoudite, Amy renseigne que sa famille d’accueil voulait la faire d’elle une esclave. Ce qu’elle n’a pas voulu accepter. Son refus d’obtempérer avait fini par créer une situation tendue entre elle et sa patronne. Mais cette dernière refusait toute idée de la renvoyer. « On m’enfermais dans une grande maison, où parfois, je restais seule pendant tout un weekend. Je me suis même battue avec ma patronne pour qu’elle me libère. Quand son mari a su que je ne badinais pas, il s’est débrouillé afin que je puisse rentrer au Sénégal », se rappelle-t-elle.
Aujourd’hui Amy gère une unité de transformation des produits forestiers, à Saint-Louis, au quartier Pikine. Son business marche. Elle lui permet de subvenir à ses besoins.
La féminisation de l’immigration irrégulière est une réalité dans la région nord du Sénégal. De plus en plus, des femmes prennent le départ avec les hommes sur les pirogues de fortune. Selon M. Diagne, par ailleurs Point Focal de la Croix-Rouge, parmi les 365 personnes interceptées, en octobre, 2022, les 138 sont des femmes et 28 d’entre elles sont des mineures âgées de moins de 16 ans. Deux de ces enfants étaient accompagnés de leurs parents. Le reste, ce sont des mineurs, qui, la majeure partie, accompagnaient les pêcheurs dans leurs activités de pêches. « C’est vrai qu’on en parle beaucoup moins mais c’est un problème crucial. On constate une féminisation de la migration. Au Sénégal, par exemple, les femmes qui quittent le pays sont nombreuses. Elles font route vers les pays anglophones ou asiatiques pour espérer accéder à un meilleur cadre de vie », a-t-il indiqué.
Entre 2016 et 2019, le pourcentage des femmes accueillies par l’association Diaspora Développement Education Migration (DIADEM-Saint Louis) a d’abord augmenté, passant de 46% en 2016 à 58% en 2017, puis a baissé : 53% en 2018 et 50% en 2019. Ces variations ne sont pas forcément représentatives.
Ainsi, les femmes victimes de traite vers les pays d’Asie ont été très nombreuses à consulter l’association en 2017 et 2018, tandis que 2019 a vu l’augmentation du nombre d’hommes isolés, notamment en provenance d’Arabie Saoudite ou du Liban.
Durant cette période, la tranche d’âge moyenne reste plus ou moins identique : leur moyenne d’âge s’élève à 31 ans, et plus de la moitié d’entre elles ont entre 18 et 30 ans. Cela correspond aux tendances migratoires globales : les personnes qui quittent leur pays sont en majorité une population jeune et active.
Selon l’enquête sur le profil migrant, publiée par l’OIM, la population migrante totale est en majorité mariée (avec 49,6% de monogames et 8,9% de polygames). Les célibataires représentent 35,7% contre 2,8% pour les divorcés, 2,8% pour les veufs et 0,5% pour les personnes en
union libre. Cependant, cela varie selon les origines des migrants. Les ressortissants d’Afrique de l’Ouest (66,9%), d’Afrique du Nord (63,5%), d’Asie (88,7%) et d’Europe (59,8%) sont majoritairement mariés alors que les ressortissants d’Afrique Australe (73,4%), d’Afrique Centrale (84,6%), d’Afrique de l’Est (98,6%) et d’Amérique (60,4%) sont majoritairement célibataires.
Cet article a été écrit avec le soutien d’Article 19 et l’UNESCO, dans le cadre du projet « Autonomiser les jeunes en Afrique à travers les médias et la communication », financé par l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS), via le « Fonds Afrique » du Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale (MAECI) ».
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